Son House, la résurrection d’un pionnier du blues

Son House, la résurrection d’un pionnier du blues

RFI
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Né en 1902 à Clarksdale (Mississippi), le chanteur et guitariste Edward James House fut longtemps privé d’une notoriété qui aurait dû le hisser au rang des piliers de la culture populaire américaine. En ces temps-là, la ségrégation réduisait considérablement les chances d’exister en tant qu’artiste. Fatigué de batailler chaque jour pour faire valoir sa place dans la société, Son House jeta l’éponge au début des années 40. Ce n’est qu’en 1963 que son nom rejaillit soudain… Olivier Renault raconte cette résurrection inespérée dans une méticuleuse biographie parue aux éditions « Le Mot et Le Reste ».

Être Noir aux États-Unis au début du XXè siècle n’est pas un statut social enviable. Les brimades et humiliations sont quotidiennes et l’oppression constante des autorités à l’égard des citoyens de « seconde classe » mène à la violence et à l’exclusion progressive voire définitive. Son House n’échappe pas à cette destinée tourmentée. Il est un homme pieux mais se laisse, petit à petit, emporter par les excès pour pouvoir affronter la violence de cette époque redoutable et les affres d’une existence sans grand lendemain. Pourtant, sa voix et son talent d’instrumentiste vont l’extraire de ce marasme inéluctable. Par le plus grand des hasards, il se retrouve à Grafton dans le Wisconsin où l’opportunité d’enregistrer dans les studios Paramount se présente à lui. Nous sommes en 1930, les techniques discographiques sont encore très rudimentaires mais ces premières sessions inscrivent son nom dans la légende. 

Son House croit en sa bonne étoile mais les obstacles sont nombreux dans cette Amérique embourbée dans ses contradictions. Le risque de chuter est réel lorsque votre couleur de peau ne convient pas à vos voisins. Comme nombre de ses contemporains, Son House fera de la prison, sera confronté aux injustices d’un système judiciaire inepte mais se relèvera toujours par la grâce, parfois, d’un bon samaritain. L’une de ces âmes sensibles fut l’ethnomusicologue et folkloriste futé, Alan Lomax. Commissionné par Washington pour nourrir le fonds d’archives sonores de la bibliothèque du Congrès, il décide de capter les chants traditionnels entendus dans le Sud rural américain. En 1941, il convie Son House à l’une de ces séances destinées à immortaliser un patrimoine en devenir. Ces précieux documents réaffirment aujourd’hui avec force la valeur de ces pionniers du blues qui, sans le savoir, écrivaient une part de l’histoire populaire afro-américaine. Son House a 40 ans, l’âge des doutes, des remises en question, des choix de vie. Il décide alors de disparaître et met de côté ses aspirations artistiques. Il comprend que ses chances de réussite sont faibles et s’éclipse pendant… 20 ans !

Ce n’est qu’en 1963 que l’on retrouve sa trace. Il s’est installé à Rochester, au nord des États-Unis, où la pression sociale est plus supportable et où il vit de petits boulots intermittents. Il faudra l’insistance de quelques jeunes amateurs de blues ancestral pour que Son House, désormais sexagénaire, accepte de remonter sur scène. Les sollicitations ressurgissent et jusqu’en 1974, ponctuellement, le vétéran retrouvera le feu des projecteurs. Son House meurt le 19 octobre 1988 à l’âge de 86 ans. Il laisse des œuvres perçues, de nos jours, comme des classiques de « L’épopée des Musiques Noires » que de nombreuses figures du blues, de la folk et du rock adapteront au fil des décennies. 

« Son House », d'Olivier Renault, aux Éditions Le Mot et Le Reste.