Tunisie: la renaissance de l'artisanat pipier à Tabarka

Tunisie: la renaissance de l'artisanat pipier à Tabarka

RFI
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À Tabarka, au nord de la Tunisie, Anis Bouchnak perpétue un savoir-faire hérité de son grand-père depuis plus d’un demi-siècle, celui de maître artisan pipier. Dans un petit atelier, il produit une à deux pipes par jour, réalisées en bois de bruyère, qui pousse le long du pourtour méditerranéen et dans la Kroumirie, la région montagneuse du nord-ouest tunisien. Autrefois, elle servait aux maîtres artisans pipiers français, désormais, alors que l’activité est devenue rarissime en France, en Tunisie, Anis a su se l’approprier et la préserver.

« Là on a mis en marche la perceuse, on va percer le trou du foyer, le foyer, c’est là où on met le tabac ». Dans son atelier, en plein centre-ville, Anis Bouchnak sculpte des broussins de bruyère… Un arbuste résistant au feu qui pousse dans la région de Tabarka dont le nom veut dire « pays des bruyères » en berbère. Il en fait des pipes à tabac, uniques en leur genre et entièrement réalisées à la main. « J’aime bien travailler avec les anciennes techniques. Je trouve que c’est beaucoup plus dur mais quand on arrive à avoir un résultat qui est égal à celui avec toutes les techniques modernes, on est beaucoup plus fiers quoi », dit-il.

Un travail minutieux hérité du savoir-faire de son grand-père, artisan pipier depuis les années 70. « Nous en Tunisie, il y avait un gros marché de gens qui fumaient la pipe et on était obligés d’importer de France ou d’Algérie. Et il s’est dit puisqu’on a la matière première, et qu’elle est de qualité, pourquoi pas ne pas fabriquer notre propre pipe pour le marché tunisien ? », raconte-t-il.

Pour connaître le métier, Chedly, son grand-père part en France et l’apprend d’une façon peu conventionnelle à Saint-Claude dans le Jura. Il veut acheter les machines nécessaires et regarder les artisans mais il se heurte à des refus. « En allant là-bas, personne n’a voulu lui vendre parce que c’était un arabe et qu’il y avait un peu de racisme à ce moment-là. Avec sa petite échelle, il montait par la fenêtre et il regardait les machines, il se faisait virer à chaque fois, il a vraiment volé le métier quoi. Et petit à petit, ben il a réussi. Deux ans pour remonter les machines, comprendre le process et tout, et une année pour sortir la première pipe ».

Plus d’un demi-siècle plus tard, c’est Anis qui continue de faire vivre ce métier par passion. Il est passé de la production semi-industrielle de son grand-père à de l’artisanat. Depuis une dizaine d’années, il utilise le stock de bruyère hérité de génération en génération. « On a une très bonne qualité de bruyère un peu dure à travailler par rapport à la bruyère italienne ou la française mais quand on sort une belle bruyère, c’est très joli », indique-t-il.

Les broussins d’Anis ont plus de 35 ans d’âge, une ancienneté nécessaire pour la qualité cette souche arborescente qui doit sécher pendant plusieurs années après avoir été bouillie pendant 12 heures dans de l’eau. « Et en fait, c’est un peu comme le vin. Plus on va laisser sécher, plus la bruyère va devenir légère, plus elle va avoir du goût », ajoute-t-il.

Des produits principalement dédiés à l’export pour un marché international et très demandeur du fait main…