Les lycéens agricoles face au défi de la reprise d'exploitation
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La plus grande ferme de France a ouvert ses portes à Paris : le 60e Salon de l’agriculture a débuté ce samedi et se tient jusqu’au 3 mars. Une édition marquée cette année par la colère du monde agricole et un constat répété année après année : dans 10 ans, un tiers des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite. Où sont les jeunes ? Ce sont eux qui prendront la relève des parents d’ici quelques années. Mais malgré la passion, reprendre une exploitation et s’installer représente un défi de taille pour les agriculteurs en devenir, qui s’interrogent sur leur avenir.
Danaé le dit elle-même : elle est née avec un volant de tracteurs entre les mains. À 18 ans, elle est en BTS et prévoit de reprendre l’exploitation de son père d’ici quelques années. En famille, le sujet est régulièrement évoqué, avec quelques mises en garde : « Je suis arrivée à un âge où il m’en parle. Il me dit : "Tu sais, le métier, il n’est pas tout beau, tout rose. Je veux que tu en sois consciente et que tu vois tous les aspects de la profession, surtout les mauvais". Mais je sais qu’il croit en moi énormément et que je vais réussir, car il me dit : ‘"Toi, tu as la tête sur les épaules, tu sais ce que tu fais." »
Danaé : « Je me demande si je vais vraiment y arriver »Avec des grands-parents et des arrière-grands-parents agriculteurs, ne pas reprendre l’exploitation n’était pas une option pour Danaé : « L’exploitation, j’ai grandi dedans à partir du moment où je suis née et on la connaît par cœur, je ne me vois pas l’abandonner. » Ses aînés ont beau avoir réussi malgré les difficultés, Danaé se pose tout de même des questions quant au défi de l’installation : « Bien sûr que ça me fait peur, parce que je me demande si je vais vraiment y arriver… Et ça, je ne le sais pas. Mais dans le fond, je sais que j’en suis capable, même si j’ai des craintes. »
Rémi : « Me former pour ne pas être en difficulté comme mes parents »Dans la famille de Rémi, en classe de terminale, on est agriculteur depuis sept générations. « Pour la petite anecdote, j’ai dit le mot tracteur avant le mot maman », rigole le jeune homme. Lui veut reprendre l’exploitation familiale avec son frère, mais il partage la même crainte que Danaé : l’endettement. « La première difficulté, c’est de trouver les moyens de financement pour s’installer. Les terres sont de plus en plus chères et pour investir, il faut que les banques suivent. Donc oui, je crains de ne pas pouvoir réussir à rembourser tout ce que je vais me mettre sur le dos », explique Rémi. Pour anticiper ce passage obligé et apprendre à gérer au mieux une exploitation agricole, passer par une formation dans un lycée agricole représente un atout. « Ma mère regrette de ne pas avoir eu assez de connaissances en gestion. Du coup, elle et mon père me poussent après ma terminale à poursuivre ma scolarité en BTS pour avoir de bonnes bases en gestion, savoir prendre les décisions au bon moment, et ne pas être en difficulté comme eux ont été en difficulté », développe Rémi.
Martin : « L’agriculture évolue rapidement, c’est impossible de se projeter »Martin, lui, va bientôt reprendre la ferme bio de sa mère. Lui est plutôt de nature optimiste : « Je me dis qu’on est fait pour ça et qu’on va y arriver ! », se rassure l’étudiant. Comme ses camarades, il aimerait avoir davantage de perspectives, se projeter plus facilement. Mais il en a conscience, il va devoir grandir et accompagner une profession en plein bouleversement : « L’agriculture de demain sera forcément différente de celle d’aujourd’hui, parce qu’il y a des produits qui ont été interdits, des méthodes qui ont changé, des nouvelles cultures sont arrivées et c’est la logique de produire plus écologiquement aujourd’hui, énumère Martin. La conclusion, c’est que l’on verra où l’on sera dans 50 ans. L’agriculture évolue rapidement en ce moment au point que c’est impossible de se projeter dans l’avenir. »
Face à l’incertitude, tous brandissent le même argument : ce qui les fait tenir et espérer, c’est la passion du métier.