Cinq ans après le sommet au Vatican sur la pédophilie, la lutte contre les abus reste difficile
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Il y a cinq ans, le pape François convoquait au Vatican les présidents des conférences épiscopales du monde entier, ainsi que les supérieurs des ordres religieux, pour un sommet inédit sur la protection des mineurs, qui allait déboucher sur de nouvelles règles sur leur responsabilité face à ce fléau. Si ce sommet fut une première, la révélation de nombreux scandales depuis la rencontre, souvent sous la pression médiatique et des fidèles, montre cependant les résistances internes à l'Église catholique, alors que les victimes demandent justice.
Beaucoup l’admettent, le sommet organisé il y a cinq ans au Vatican sur la pédophilie dans l’Église a marqué une rupture. Mais le processus enclenché, à savoir créer une dynamique pour rendre les évêques et supérieurs religieux responsables de leurs défaillances, n’est pas allé assez loin.
Anne Barret-Doyle est la fondatrice du site américain « BischopAccountability », une plateforme qui collecte des données sur les évêques accusés d’abus dans le monde, et recueille la parole des victimes. « Voilà à quoi allait ressembler une nouvelle ère d’impunité avec cette idée : on va punir les mauvais évêques, on a cru à un précédent, mais cela s’est avéré faux », dit-elle.
Si Anne Barret-Dolye fait part de son amertume aujourd’hui, c’est parce que les scandales d’agressions sexuelles n’ont pas diminué dans l’Église… La parole s’est au contraire libérée dans certains pays, en particulier occidentaux.
Quelques mois après la tenue du sommet, le pape François signe un décret, Vos Estis Lux Mundi qui fixe de nouvelles règles exigeant notamment des évêques et des supérieurs religieux de dénoncer les cas d’abus. Mais le manque de transparence qui suit ces dénonciations laisse sceptiques de nombreuses associations de victimes comme BishopAccountability. « La procédure est totalement secrète… Elle n’implique aucune structure indépendante. L’ironie, c’est que le pape François a dit lui-même que le cléricalisme était un fléau qui avait conduit aux abus, mais il a pourtant fait une nouvelle loi qui est très cléricale. Tout reste sous le contrôle du sommet de la hiérarchie, les évêques et le Vatican. »
Un manque de transparenceLe fléau de la pédocriminalité dans l’Église a ébranlé tant les fidèles que les responsables religieux dans le monde. Mais la prise de conscience semble toujours être à deux vitesses, selon que l’on est un simple catholique ou un prélat. Massimo Faggioli est professeur d’histoire de l’Église à l’université Villanova aux États-Unis. « Je crois que le principal changement s’est fait au niveau d’une prise de conscience culturelle, de la part de nombreux catholiques, mais moins chez une majorité d’évêques ou de cardinaux. Il y a eu des changements d’un point de vue législatif, mais le problème reste le manque de transparence et le fait de rendre des comptes », explique-t-il.
La semaine passée à Rome, deux victimes d’un prêtre slovène, artiste mosaïste, Marko Rupnik ont brisé le silence, racontant les abus subis durant des années, agressions sexuelles ou manipulation des consciences… L’affaire Rupnik a fait scandale jusqu’au plus haut sommet de l’Église. Expulsé de l’ordre des jésuites, le religieux slovène a en effet longtemps été proche du pape François. Ses victimes aujourd’hui demandent justice et transparence. Certaines estiment que le pape lui-même n’applique pas les propres règles qu’il a données à l’Église. Le cas Mario Rupnik est néanmoins étudié par le dicastère pour la doctrine de la foi au Vatican et pourrait prochainement déboucher sur un procès.